L'urbanisme meldois à l'heure de la canicule : que fait la Ville ?
Mar 07 Aoû 2018, 14:11
Les travaux en cours un peu partout en ville cet été, et la période de canicule que nous subissons depuis quelques jours (mais aussi les dernières fortes pluies), me font m'interroger quant à la façon dont la ville envisage ses aménagements. Et notamment ceux concernant la voirie.
Prenons un exemple : le réaménagement actuel de la place de l'Europe.
Point positif, la ville veut végétaliser (en partie) cet espace. Et c'est bien, car la végétalisation des espaces publics permet à la fois de réguler la température ambiante, mais aussi a la vertu de rendre de la perméabilité au sol, ou encore d'inclure de la biodiversité (si les plantations sont pensées aussi à cet effet)...
Cependant au vu de ce que laissent entrevoir les travaux lancés, cette végétalisation reste timorée : cela se voit notamment dans la dimension donnée aux fosses des arbres (ginkgo) en bordure de la place, agrandies certes, mais qui pourraient avoir été bien plus larges et continues. Comme ce qui aurait pu être fait pour l'aménagement du quai Thiers et Prévert. Or non seulement en faisant ainsi, le sol reste imperméable (recouvert d'enrobé), mais cela ne va pas non plus dans le sens des aménagements à entreprendre au vu des changements climatiques et qui exigent plus de végétation dans nos villes.
La Ville de Meaux le sait n'en doutons pas. Mais elle ne semble pas savoir faire. Ou peut-être ne pas vouloir faire (ce n'est pas nouveau). Simplement parce que l'entretien des espaces verts a un coup (humain) que ne demande pas une surface bitumée ou bétonnée ? Pour d'autres raisons ?
Sauf qu'aujourd'hui il est un fait que l'aménagement des espaces verts n'est pas qu'une question d'agrément ou d'embellissement mais un dispositif technique qui va devenir un enjeu vital pour nos cités et pour nous. Cela a été répété souvent ici : il faut jardiner la ville !
__________
L'autre question évoquée par ces aménagements tient à l'imperméabilisation des sols. Du notamment aux constructions (projets immobiliers principalement pour Meaux, grandes surfaces, voiries...) qui se multiplient.
Et lors des derniers épisodes de fortes pluies, le problème est apparu plus qu'évidents, puisque certaines habitations se sont vues inondées, non pas parce que le niveau d'eau des rivières avait augmenté et qu'elles étaient en zone inondables, mais parce que les collecteurs n'arrivaient plus à évacué l'eau de ruissellement des rues et que les égouts débordaient.
Il est à noté que ce problème se voit aussi dans un aménagement récent, celui de la rue du général LECLERC et son beau pavage. Beau cette, mais qui ne permet pas a l'eau de s'évacuer correctement en cas de fortes pluies. Le reproche à faire à cet aménagement : on a oublié d'y intégrer un caniveau (pourtant présent dans le pavage précédent) ! Erreur de conception ? Même problème pour le parking de l'ancienne prison qui a rendu trop imperméable le site.
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On le voit, il faut aujourd'hui plus que jamais prendre en compte dans les aménagements urbains la dimension environnementale. Sans oublié non plus les autres dimensions de ces aménagement : l'usage en premier lieu, la fonction, l'esthétique, le paysage, l'économie... Ce qui me laisse douter de ce que la ville est en train de réaliser sur la place de l'Europe... Mais cela fera l'objet d'un autre sujet.
Prenons un exemple : le réaménagement actuel de la place de l'Europe.
Point positif, la ville veut végétaliser (en partie) cet espace. Et c'est bien, car la végétalisation des espaces publics permet à la fois de réguler la température ambiante, mais aussi a la vertu de rendre de la perméabilité au sol, ou encore d'inclure de la biodiversité (si les plantations sont pensées aussi à cet effet)...
Cependant au vu de ce que laissent entrevoir les travaux lancés, cette végétalisation reste timorée : cela se voit notamment dans la dimension donnée aux fosses des arbres (ginkgo) en bordure de la place, agrandies certes, mais qui pourraient avoir été bien plus larges et continues. Comme ce qui aurait pu être fait pour l'aménagement du quai Thiers et Prévert. Or non seulement en faisant ainsi, le sol reste imperméable (recouvert d'enrobé), mais cela ne va pas non plus dans le sens des aménagements à entreprendre au vu des changements climatiques et qui exigent plus de végétation dans nos villes.
La Ville de Meaux le sait n'en doutons pas. Mais elle ne semble pas savoir faire. Ou peut-être ne pas vouloir faire (ce n'est pas nouveau). Simplement parce que l'entretien des espaces verts a un coup (humain) que ne demande pas une surface bitumée ou bétonnée ? Pour d'autres raisons ?
Sauf qu'aujourd'hui il est un fait que l'aménagement des espaces verts n'est pas qu'une question d'agrément ou d'embellissement mais un dispositif technique qui va devenir un enjeu vital pour nos cités et pour nous. Cela a été répété souvent ici : il faut jardiner la ville !
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L'autre question évoquée par ces aménagements tient à l'imperméabilisation des sols. Du notamment aux constructions (projets immobiliers principalement pour Meaux, grandes surfaces, voiries...) qui se multiplient.
Et lors des derniers épisodes de fortes pluies, le problème est apparu plus qu'évidents, puisque certaines habitations se sont vues inondées, non pas parce que le niveau d'eau des rivières avait augmenté et qu'elles étaient en zone inondables, mais parce que les collecteurs n'arrivaient plus à évacué l'eau de ruissellement des rues et que les égouts débordaient.
Il est à noté que ce problème se voit aussi dans un aménagement récent, celui de la rue du général LECLERC et son beau pavage. Beau cette, mais qui ne permet pas a l'eau de s'évacuer correctement en cas de fortes pluies. Le reproche à faire à cet aménagement : on a oublié d'y intégrer un caniveau (pourtant présent dans le pavage précédent) ! Erreur de conception ? Même problème pour le parking de l'ancienne prison qui a rendu trop imperméable le site.
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On le voit, il faut aujourd'hui plus que jamais prendre en compte dans les aménagements urbains la dimension environnementale. Sans oublié non plus les autres dimensions de ces aménagement : l'usage en premier lieu, la fonction, l'esthétique, le paysage, l'économie... Ce qui me laisse douter de ce que la ville est en train de réaliser sur la place de l'Europe... Mais cela fera l'objet d'un autre sujet.
Re: L'urbanisme meldois à l'heure de la canicule : que fait la Ville ?
Ven 10 Aoû 2018, 13:18
Le sujet a été pas mal relayé dans les media et la végétalisation de la ville semble faire l'unanimité.
Voici ci-dessous une sélection d'articles parus dernièrement. Bonne lecture.
Sur le site de France Info : Radio France :
Canicule : "La végétalisation est une des meilleures solutions pour rafraîchir la ville"
Publié le 07/08/2018
On note jusqu'à 12 degrés de différence entre un centre-ville et sa périphérie, constate sur franceinfo une ingénieure de l'Ademe. La solution : planter des arbres car un arbre qui respire équivaut à cinq climatiseurs qui tourneraient pendant 20 heures, explique-t-elle.
Avec la canicule, les températures grimpent, surtout en ville. "C'est dû à l'aménagement des villes, aux matériaux choisis pour la construction", a expliqué Amandine Crambes, ingénieure urbaniste à l'Agence pour l'environnement et la maîtrise de l'énergie, mardi 7 août sur franceinfo. Mais aussi à l'insuffisance du nombre d'arbres.
franceinfo : Pourquoi fait-il plus chaud en ville qu'à la campagne ?
- Il y a le phénomène de surchauffe urbaine et il y a aussi celui des îlots de chaleur urbains. C'est la différence de la température de l'air entre une zone urbaine et une zone rurale. Elle peut parfois monter jusqu'à 12 degrés de différence entre un centre-ville et sa périphérie. C'est dû à l'aménagement des villes, aux matériaux choisis pour la construction. En ville, on a aussi une perte de végétation alors que la végétation rafraîchit. Les sols sont trop imperméabilisés.
Le solution, est-ce de planter des arbres ?
- La végétalisation est une des meilleures solutions aujourd'hui pour rafraîchir la ville, grâce à l'évapotranspiration des arbres. Quand un arbre respire par les feuilles, il évapore de l'eau et cette eau rafraîchit l'air. Un arbre mature peut évaporer jusqu'à 450 litres d'eau, c'est l'équivalent de cinq climatiseurs qui tourneraient pendant 20 heures.
On sait bien adapter les bâtiments au froid mais moins à la chaleur ?
En France, on est plus sur une culture du froid. L'isolation thermique des bâtiments marche pourtant aussi pour la chaleur. On peut s'inspirer des
techniques méditerranéennes. Les matériaux sont plus adaptés, comme le fait d'avoir des volets qu'on peut fermer pour rester au frais ou la terre crue.
Certaines villes comme Los Angeles repeignent des bâtiments en blanc pour réfléchir la lumière du soleil ?
Pas forcément les bâtiments complets mais les toitures. Les couleurs claires permettent d'avoir un meilleur rayonnement. Quand il fait 26 degrés, une toiture sombre peut monter jusqu'à 80 degrés, une toiture claire à 45 degrés et une toiture végétalisée à 29 degrés.
La mairie de Paris a commencé à enlever le bitume de certaines cours d'école ?
Le bitume capte énormément de chaleur et il la restitue très lentement. C'est pour cela qu'il fait chaud le soir, le bitume renvoie la chaleur la nuit. Quand on enlève le bitume, on retrouve le sol qui va permettre l'infiltration de l'eau et ensuite, son évaporation. Il faut donc faire le choix d'avoir moins de sols imperméables en ville.
Voici ci-dessous une sélection d'articles parus dernièrement. Bonne lecture.
Sur le site de France Info : Radio France :
Canicule : "La végétalisation est une des meilleures solutions pour rafraîchir la ville"
Publié le 07/08/2018
On note jusqu'à 12 degrés de différence entre un centre-ville et sa périphérie, constate sur franceinfo une ingénieure de l'Ademe. La solution : planter des arbres car un arbre qui respire équivaut à cinq climatiseurs qui tourneraient pendant 20 heures, explique-t-elle.
Avec la canicule, les températures grimpent, surtout en ville. "C'est dû à l'aménagement des villes, aux matériaux choisis pour la construction", a expliqué Amandine Crambes, ingénieure urbaniste à l'Agence pour l'environnement et la maîtrise de l'énergie, mardi 7 août sur franceinfo. Mais aussi à l'insuffisance du nombre d'arbres.
franceinfo : Pourquoi fait-il plus chaud en ville qu'à la campagne ?
- Il y a le phénomène de surchauffe urbaine et il y a aussi celui des îlots de chaleur urbains. C'est la différence de la température de l'air entre une zone urbaine et une zone rurale. Elle peut parfois monter jusqu'à 12 degrés de différence entre un centre-ville et sa périphérie. C'est dû à l'aménagement des villes, aux matériaux choisis pour la construction. En ville, on a aussi une perte de végétation alors que la végétation rafraîchit. Les sols sont trop imperméabilisés.
Le solution, est-ce de planter des arbres ?
- La végétalisation est une des meilleures solutions aujourd'hui pour rafraîchir la ville, grâce à l'évapotranspiration des arbres. Quand un arbre respire par les feuilles, il évapore de l'eau et cette eau rafraîchit l'air. Un arbre mature peut évaporer jusqu'à 450 litres d'eau, c'est l'équivalent de cinq climatiseurs qui tourneraient pendant 20 heures.
On sait bien adapter les bâtiments au froid mais moins à la chaleur ?
En France, on est plus sur une culture du froid. L'isolation thermique des bâtiments marche pourtant aussi pour la chaleur. On peut s'inspirer des
techniques méditerranéennes. Les matériaux sont plus adaptés, comme le fait d'avoir des volets qu'on peut fermer pour rester au frais ou la terre crue.
Certaines villes comme Los Angeles repeignent des bâtiments en blanc pour réfléchir la lumière du soleil ?
Pas forcément les bâtiments complets mais les toitures. Les couleurs claires permettent d'avoir un meilleur rayonnement. Quand il fait 26 degrés, une toiture sombre peut monter jusqu'à 80 degrés, une toiture claire à 45 degrés et une toiture végétalisée à 29 degrés.
La mairie de Paris a commencé à enlever le bitume de certaines cours d'école ?
Le bitume capte énormément de chaleur et il la restitue très lentement. C'est pour cela qu'il fait chaud le soir, le bitume renvoie la chaleur la nuit. Quand on enlève le bitume, on retrouve le sol qui va permettre l'infiltration de l'eau et ensuite, son évaporation. Il faut donc faire le choix d'avoir moins de sols imperméables en ville.
Re: L'urbanisme meldois à l'heure de la canicule : que fait la Ville ?
Ven 10 Aoû 2018, 13:33
Un article plus détaillé paru sur Alternatives Economiques :
Verdir les villes : la solution pour faire baisser la température ?
Publié par Bénédicte Weiss le 06/08/2018
Depuis longtemps déjà, la végétation est présente en ville : pelouses, arbres, parcs et squares, jardinières aux fenêtres, sans oublier ces brins d’herbes sauvages qui s’obstinent à pousser dans les interstices du macadam, sur les trottoirs ou les parkings. Mais désormais on trouve aussi des toitures et des façades plantées et des plans locaux favorisent la végétalisation des villes. A Rennes, lauréate 2016 de l’opération « Capitale de la biodiversité », de nouveaux espaces verts ont été créés à la faveur des opérations de renouvellement urbain par la collectivité et des associations. A Paris, le plan « Végétalisons la ville » entend, d’ici à 2020, planter 30 000 nouveaux arbres (il y a aujourd’hui près de 100 000 arbres d’alignement), ajouter 30 hectares (ha) de jardins publics aux 500 existants1 et 100 hectares de murs et de toits végétalisés (sur 44 hectares à fin 2013).
Ces initiatives sont bienvenues dans des zones urbaines souvent moins marquées par un manque absolu de végétation que par sa très inégale distribution. Pour reprendre le cas de Paris, ses 3 327 ha d’espaces verts représentent le tiers de la superficie de la ville (10 500 ha), mais ce chiffre intègre les 1 800 ha des bois de Boulogne et de Vincennes ainsi que 600 ha de jardins privatifs, soit plus de 70 % de l’ensemble des espaces verts. Résultat : on observe de très fortes disparités entre le quart nord-est de la ville (moins de 1 m2 d’espace vert par habitant) et les zones boisées (plus de 10 m2).
Des collectivités locales schizophrènes
Les politiques de végétalisation urbaine répondent à plusieurs objectifs : préserver et entretenir la biodiversité, réduire les « îlots de chaleur » et s’adapter aux accidents climatiques, améliorer la qualité de vie et la santé des habitants. Le sujet n’est pas mince : les villes françaises ont gagné 35 400 km2 en superficie (+ 42,5 %) de 1982 à 2011, selon l’Insee (soit près de trois fois l’Ile-de-France) et cet étalement urbain fragmente les milieux naturels, au détriment de la biodiversité. Comme le fait observer Gilles Lecuir, de Natureparif, organisme en charge de la biodiversité en Ile-de-France, « bien des collectivités très engagées dans la végétalisation continuent pourtant d’adopter des plans locaux d’urbanisme qui se traduisent par une poursuite de l’artificialisation2 des sols ». La végétalisation des villes est devenue un élément de la politique des « trames vertes », des corridors écologiques dont le déploiement est prévu par la loi Grenelle de 2009. Dans ce même esprit, la loi biodiversité adoptée à l’été 2016 a imposé en particulier le verdissement des toitures et des parkings de tous les nouveaux centres commerciaux.
La régulation du climat ambiant est un autre objectif de la végétalisation urbaine. L’idée n’est pas neuve : de la Méditerranée à la Mésopotamie, en passant par l’Egypte, toutes les cités antiques connaissent les vertus des jardins arrosés et des arbres d’ombrage. Mais avec le réchauffement climatique, le sujet tend à devenir pressant. L’ombre fournie par les arbres et le phénomène d’évapotranspiration (évaporation de l’eau du sol conjointement à la transpiration des plantes) sont bien connus pour rafraîchir l’air des îlots de chaleur urbains3. Ainsi, selon une étude de Météo France, une augmentation de la surface de la végétation parisienne (feuillages des arbres et pelouses) de 34 % permettrait de perdre jusqu’à 2 °C lors d’une canicule semblable à celle de 2003. Cet été-là, un écart de 8 °C avait été observé entre le centre de Paris et la grande couronne. Ce rafraîchissement relatif conduirait à moins utiliser la climatisation et à économiser ainsi jusqu’à 13 % d’énergie (pour une température intérieure de 26 °C). Ce calcul est toutefois assez théorique, puisqu’il faudrait pour cela que cette végétation additionnelle soit répartie dans toute la ville. Par ailleurs, pour que la végétation transpire suffisamment, il faudrait l’arroser chaque nuit... et donc consommer beaucoup d’eau en pleine canicule.
Les plantations sur toiture, sur des substrats peu épais, sont soumises parfois à des températures pouvant atteindre 50 °C. Elles sont encore plus sensibles à cet écueil. « Tout comme pour l’agriculture, la végétation en ville n’est pas dissociable de la question de la gestion des ressources en eau », rappelle Valéry Masson, de Météo France. « Pour limiter l’irrigation, le mieux est donc de planter sur des sols profonds qui gardent l’eau, complète Marjorie Musy, chercheuse à l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Nantes. Ce qui renvoie à la question de l’urbanisme et de l’artificialisation des sols. »
Contrôler les îlots de chaleur
Le développement de la végétation dans le but de contrôler les îlots de chaleur ne peut donc être qu’un élément d’une politique globale. Sa clé reste l’isolation des bâtiments et la baisse des sources de chaleur, notamment les appareils de climatisation (qui rejettent de la chaleur à l’extérieur) et les véhicules à moteur thermique.
Si la végétalisation peut contribuer à la régulation du climat local, il ne faut cependant pas espérer qu’elle apporte une contribution décisive à la lutte contre le réchauffement global grâce au développement d’espaces verts comme « puits » permettant de séquestrer le carbone atmosphérique. Des chercheurs finlandais ont ainsi calculé qu’il faudrait que la superficie actuellement occupée par les villes soit constituée à 80 % de parcs pour que celles-ci soient neutres en carbone !
En revanche, la végétation urbaine joue aussi un rôle important dans la régulation des eaux pluviales, rôle qui pourrait devenir capital à l’avenir avec les effets des changements climatiques sur les précipitations. Les toits végétalisés peuvent ainsi capter 40 % à 60 % de la pluie qui tombe sur leur surface, indique Bernard de Gouvello, ingénieur-chercheur au Centre scientifique et technique du bâtiment. Ce taux, précise-t-il, varie en fonction de la durée et de l’intensité de l’épisode pluvieux, comme de l’état initial de la toiture (sèche ou déjà gorgée d’eau). La végétation au sol capte également une part importante des eaux de pluie et représente une autre barrière contre les inondations. Elle a en outre des capacités de filtration, ce qui permet de décharger les eaux pluviales de certains polluants, comme certains métaux lourds, et de réduire les besoins de traitement.
Des bienfaits pour la santé
Les hygiénistes du XIXe siècle se préoccupaient déjà d’avoir des arbres et des jardins dans les quartiers déshérités. Les études menées depuis confirment que les habitants de quartiers bien pourvus en espaces verts déclarent moins de problèmes de santé que les autres. En France, où les trois quarts des habitants sont des urbains, une étude réalisée en 2016 par le cabinet Asterès, à la demande de l’Union nationale des entreprises du paysage, rappelle que « les espaces verts améliorent aussi bien l’état de santé autodéclaré des habitants que leur état diagnostiqué par un médecin ». En effet, ils encouragent l’activité physique (marche, sports en extérieur), améliorent la qualité de l’air et réduisent le stress ressenti par la population.
Cette étude estime qu’une hausse de 10 % de la densité d’espaces verts ferait ainsi économiser à la Sécu 56 millions d’euros par an du fait de la réduction de la prévalence de l’asthme et 38 millions d’euros par an du fait de la réduction de l’hypertension. La contribution de la végétalisation à la réduction des îlots de chaleur limite également la mortalité en période de canicule.
A ces bienfaits individuels s’ajoute un mieux-être collectif, surtout quand les citoyens participent aux opérations de revégétalisation, comme le souligne Catherine Muller, présidente de l’Union nationale des entreprises du paysage. Les jardins partagés d’aujourd’hui, un héritage des jardins ouvriers du XIXe siècle, favorisent le lien social, les solidarités de voisinage et les actions pédagogiques. C’est le cas également des mouvements de réappropriation de petits bouts de ville par les citoyens, de plus en plus souvent avec le soutien des collectivités. Par exemple les membres des Incroyables comestibles, nés au Royaume-Uni en 2008, cultivent un carré de jardin dont ils mettent la récolte à la disposition des passants. Cette initiative a essaimé en France en 2012, où elle compte plus de 220 groupes locaux. Des municipalités, comme Grenoble, proposent aussi aux habitants de les aider à créer leur « jardin de rue ».
Vers une agriculture urbaine ?
Qu’ils soient ou non le fruit d’une démarche militante, ces jardins participent d’une agriculture urbaine protéiforme. Elle compte aussi ses professionnels, qu’il s’agisse d’exploitations cultivant en classique ou en bio des terres situées sur des communes urbaines ou d’installations hors sol recourant à des techniques plus ou moins sophistiquées... et plus ou moins gourmandes en eau et en énergie. « L’agriculture urbaine ne bénéficie à ce jour d’aucun cadre juridique précis », indique Christine Aubry, chercheuse à AgroParisTech, qui a recensé à Paris près d’une centaine de « paysans urbains » porteurs de projet. Résultat : « Ils accèdent rarement au statut d’agriculteur et aux aides financières qui en découlent. » En effet, du fait de leur taille, ces activités ne satisfont généralement pas aux critères minimaux requis : surface exploitée, nombre d’heures de travail par an, revenu minimal tiré de l’agriculture...
D’autres activités (insertion, action éducative auprès des écoles...) peuvent néanmoins leur ouvrir l’accès à des subventions, par exemple dans le cadre de la politique de la ville. Ces agriculteurs urbains sont par ailleurs souvent installés sur des parcelles appartenant aux collectivités. La naissance fin 2016 d’une Association française de l’agriculture urbaine professionnelle traduit en tout cas l’émergence de ces nouvelles activités liées à la végétalisation de la ville.
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Cet article a été initialement publié le 22 juin 2017.
1. Non compris les bois de Boulogne et de Vincennes.
2. Une surface est artificialisée quand elle passe d’un état naturel (friche, prairie naturelle, zone humide, etc.), forestier ou agricole à un état plus artificiel : espaces bâtis, revêtus (routes), espaces verts urbains...
3. Zone urbaine dense où la température est plus élevée qu’en périphérie, du fait du réchauffement du bitume et des bâtiments en journée et de la restitution de cette chaleur pendant la nuit.
Verdir les villes : la solution pour faire baisser la température ?
Publié par Bénédicte Weiss le 06/08/2018
Depuis longtemps déjà, la végétation est présente en ville : pelouses, arbres, parcs et squares, jardinières aux fenêtres, sans oublier ces brins d’herbes sauvages qui s’obstinent à pousser dans les interstices du macadam, sur les trottoirs ou les parkings. Mais désormais on trouve aussi des toitures et des façades plantées et des plans locaux favorisent la végétalisation des villes. A Rennes, lauréate 2016 de l’opération « Capitale de la biodiversité », de nouveaux espaces verts ont été créés à la faveur des opérations de renouvellement urbain par la collectivité et des associations. A Paris, le plan « Végétalisons la ville » entend, d’ici à 2020, planter 30 000 nouveaux arbres (il y a aujourd’hui près de 100 000 arbres d’alignement), ajouter 30 hectares (ha) de jardins publics aux 500 existants1 et 100 hectares de murs et de toits végétalisés (sur 44 hectares à fin 2013).
Ces initiatives sont bienvenues dans des zones urbaines souvent moins marquées par un manque absolu de végétation que par sa très inégale distribution. Pour reprendre le cas de Paris, ses 3 327 ha d’espaces verts représentent le tiers de la superficie de la ville (10 500 ha), mais ce chiffre intègre les 1 800 ha des bois de Boulogne et de Vincennes ainsi que 600 ha de jardins privatifs, soit plus de 70 % de l’ensemble des espaces verts. Résultat : on observe de très fortes disparités entre le quart nord-est de la ville (moins de 1 m2 d’espace vert par habitant) et les zones boisées (plus de 10 m2).
Des collectivités locales schizophrènes
Les politiques de végétalisation urbaine répondent à plusieurs objectifs : préserver et entretenir la biodiversité, réduire les « îlots de chaleur » et s’adapter aux accidents climatiques, améliorer la qualité de vie et la santé des habitants. Le sujet n’est pas mince : les villes françaises ont gagné 35 400 km2 en superficie (+ 42,5 %) de 1982 à 2011, selon l’Insee (soit près de trois fois l’Ile-de-France) et cet étalement urbain fragmente les milieux naturels, au détriment de la biodiversité. Comme le fait observer Gilles Lecuir, de Natureparif, organisme en charge de la biodiversité en Ile-de-France, « bien des collectivités très engagées dans la végétalisation continuent pourtant d’adopter des plans locaux d’urbanisme qui se traduisent par une poursuite de l’artificialisation2 des sols ». La végétalisation des villes est devenue un élément de la politique des « trames vertes », des corridors écologiques dont le déploiement est prévu par la loi Grenelle de 2009. Dans ce même esprit, la loi biodiversité adoptée à l’été 2016 a imposé en particulier le verdissement des toitures et des parkings de tous les nouveaux centres commerciaux.
Une augmentation de la surface de la végétation parisienne de 34 % permettrait de perdre jusqu’à 2 °C lors d’une canicule semblable à celle de 2003
La régulation du climat ambiant est un autre objectif de la végétalisation urbaine. L’idée n’est pas neuve : de la Méditerranée à la Mésopotamie, en passant par l’Egypte, toutes les cités antiques connaissent les vertus des jardins arrosés et des arbres d’ombrage. Mais avec le réchauffement climatique, le sujet tend à devenir pressant. L’ombre fournie par les arbres et le phénomène d’évapotranspiration (évaporation de l’eau du sol conjointement à la transpiration des plantes) sont bien connus pour rafraîchir l’air des îlots de chaleur urbains3. Ainsi, selon une étude de Météo France, une augmentation de la surface de la végétation parisienne (feuillages des arbres et pelouses) de 34 % permettrait de perdre jusqu’à 2 °C lors d’une canicule semblable à celle de 2003. Cet été-là, un écart de 8 °C avait été observé entre le centre de Paris et la grande couronne. Ce rafraîchissement relatif conduirait à moins utiliser la climatisation et à économiser ainsi jusqu’à 13 % d’énergie (pour une température intérieure de 26 °C). Ce calcul est toutefois assez théorique, puisqu’il faudrait pour cela que cette végétation additionnelle soit répartie dans toute la ville. Par ailleurs, pour que la végétation transpire suffisamment, il faudrait l’arroser chaque nuit... et donc consommer beaucoup d’eau en pleine canicule.
Les plantations sur toiture, sur des substrats peu épais, sont soumises parfois à des températures pouvant atteindre 50 °C. Elles sont encore plus sensibles à cet écueil. « Tout comme pour l’agriculture, la végétation en ville n’est pas dissociable de la question de la gestion des ressources en eau », rappelle Valéry Masson, de Météo France. « Pour limiter l’irrigation, le mieux est donc de planter sur des sols profonds qui gardent l’eau, complète Marjorie Musy, chercheuse à l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Nantes. Ce qui renvoie à la question de l’urbanisme et de l’artificialisation des sols. »
Contrôler les îlots de chaleur
Le développement de la végétation dans le but de contrôler les îlots de chaleur ne peut donc être qu’un élément d’une politique globale. Sa clé reste l’isolation des bâtiments et la baisse des sources de chaleur, notamment les appareils de climatisation (qui rejettent de la chaleur à l’extérieur) et les véhicules à moteur thermique.
Il faudrait que la superficie des villes soit constituée à 80 % de parcs pour que celles-ci soient neutres en carbone !
Si la végétalisation peut contribuer à la régulation du climat local, il ne faut cependant pas espérer qu’elle apporte une contribution décisive à la lutte contre le réchauffement global grâce au développement d’espaces verts comme « puits » permettant de séquestrer le carbone atmosphérique. Des chercheurs finlandais ont ainsi calculé qu’il faudrait que la superficie actuellement occupée par les villes soit constituée à 80 % de parcs pour que celles-ci soient neutres en carbone !
En revanche, la végétation urbaine joue aussi un rôle important dans la régulation des eaux pluviales, rôle qui pourrait devenir capital à l’avenir avec les effets des changements climatiques sur les précipitations. Les toits végétalisés peuvent ainsi capter 40 % à 60 % de la pluie qui tombe sur leur surface, indique Bernard de Gouvello, ingénieur-chercheur au Centre scientifique et technique du bâtiment. Ce taux, précise-t-il, varie en fonction de la durée et de l’intensité de l’épisode pluvieux, comme de l’état initial de la toiture (sèche ou déjà gorgée d’eau). La végétation au sol capte également une part importante des eaux de pluie et représente une autre barrière contre les inondations. Elle a en outre des capacités de filtration, ce qui permet de décharger les eaux pluviales de certains polluants, comme certains métaux lourds, et de réduire les besoins de traitement.
Des bienfaits pour la santé
Les hygiénistes du XIXe siècle se préoccupaient déjà d’avoir des arbres et des jardins dans les quartiers déshérités. Les études menées depuis confirment que les habitants de quartiers bien pourvus en espaces verts déclarent moins de problèmes de santé que les autres. En France, où les trois quarts des habitants sont des urbains, une étude réalisée en 2016 par le cabinet Asterès, à la demande de l’Union nationale des entreprises du paysage, rappelle que « les espaces verts améliorent aussi bien l’état de santé autodéclaré des habitants que leur état diagnostiqué par un médecin ». En effet, ils encouragent l’activité physique (marche, sports en extérieur), améliorent la qualité de l’air et réduisent le stress ressenti par la population.
10 % d’espaces verts en plus ferait économiser à la Sécu 56 millions d’euros par an grâce à la réduction de la prévalence de l’asthme et 38 millions d’euros par an du fait de la réduction de l’hypertension
Cette étude estime qu’une hausse de 10 % de la densité d’espaces verts ferait ainsi économiser à la Sécu 56 millions d’euros par an du fait de la réduction de la prévalence de l’asthme et 38 millions d’euros par an du fait de la réduction de l’hypertension. La contribution de la végétalisation à la réduction des îlots de chaleur limite également la mortalité en période de canicule.
A ces bienfaits individuels s’ajoute un mieux-être collectif, surtout quand les citoyens participent aux opérations de revégétalisation, comme le souligne Catherine Muller, présidente de l’Union nationale des entreprises du paysage. Les jardins partagés d’aujourd’hui, un héritage des jardins ouvriers du XIXe siècle, favorisent le lien social, les solidarités de voisinage et les actions pédagogiques. C’est le cas également des mouvements de réappropriation de petits bouts de ville par les citoyens, de plus en plus souvent avec le soutien des collectivités. Par exemple les membres des Incroyables comestibles, nés au Royaume-Uni en 2008, cultivent un carré de jardin dont ils mettent la récolte à la disposition des passants. Cette initiative a essaimé en France en 2012, où elle compte plus de 220 groupes locaux. Des municipalités, comme Grenoble, proposent aussi aux habitants de les aider à créer leur « jardin de rue ».
Vers une agriculture urbaine ?
Qu’ils soient ou non le fruit d’une démarche militante, ces jardins participent d’une agriculture urbaine protéiforme. Elle compte aussi ses professionnels, qu’il s’agisse d’exploitations cultivant en classique ou en bio des terres situées sur des communes urbaines ou d’installations hors sol recourant à des techniques plus ou moins sophistiquées... et plus ou moins gourmandes en eau et en énergie. « L’agriculture urbaine ne bénéficie à ce jour d’aucun cadre juridique précis », indique Christine Aubry, chercheuse à AgroParisTech, qui a recensé à Paris près d’une centaine de « paysans urbains » porteurs de projet. Résultat : « Ils accèdent rarement au statut d’agriculteur et aux aides financières qui en découlent. » En effet, du fait de leur taille, ces activités ne satisfont généralement pas aux critères minimaux requis : surface exploitée, nombre d’heures de travail par an, revenu minimal tiré de l’agriculture...
D’autres activités (insertion, action éducative auprès des écoles...) peuvent néanmoins leur ouvrir l’accès à des subventions, par exemple dans le cadre de la politique de la ville. Ces agriculteurs urbains sont par ailleurs souvent installés sur des parcelles appartenant aux collectivités. La naissance fin 2016 d’une Association française de l’agriculture urbaine professionnelle traduit en tout cas l’émergence de ces nouvelles activités liées à la végétalisation de la ville.
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Cet article a été initialement publié le 22 juin 2017.
1. Non compris les bois de Boulogne et de Vincennes.
2. Une surface est artificialisée quand elle passe d’un état naturel (friche, prairie naturelle, zone humide, etc.), forestier ou agricole à un état plus artificiel : espaces bâtis, revêtus (routes), espaces verts urbains...
3. Zone urbaine dense où la température est plus élevée qu’en périphérie, du fait du réchauffement du bitume et des bâtiments en journée et de la restitution de cette chaleur pendant la nuit.
Re: L'urbanisme meldois à l'heure de la canicule : que fait la Ville ?
Ven 10 Aoû 2018, 13:58
SI même BFM en parle, alors...
Comment les villes tentent de se transformer pour affronter les canicules
Publié le 21/06/2018
Pour faire face aux pics de chaleur, les métropoles commencent à mettre en place des dispositifs destinés à ramener un peu de fraîcheur en ville.
Vous habitez en ville et vous avez de plus en plus de mal à supporter les vagues de chaleur? Accrochez-vous, ce n’est que le début. Récemment, une étude de Météo France a révélé que les températures à Paris allaient grimper de 4° l’hiver et de 5° l’été d’ici à la fin du siècle. Pour tenter d’atténuer le choc, les climatologues et les urbanistes travaillent sur des méthodes susceptibles de rafraîchir l’atmosphère urbaine. Nos agglomérations minérales, très imperméables à l’eau et peu dotées en espaces verts, ne se sont pas construites sur un plan destiné à résister aux périodes de canicule.
Ce modèle de développement date "de la grande période de l’hygiénisme" fait remarquer Erwan Cordeau, chargé d’études climat, air et énergie à l’Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU) d’Île-de-France.
"On avait des problèmes de miasmes, d’insalubrité. Donc on a chassé l’eau de la ville en construisant des égouts. On a enfoui certaines rivières urbaines, comme la Bièvre à Paris. Aujourd’hui il y a un rééquilibrage à faire, parce qu’il y a encore des zones sans espaces verts, et où l’eau a vraiment disparu de la ville". Pas question de se rassurer en se disant qu’on a le temps de voir venir: "On a déjà un mal à traiter l’îlot de chaleur urbain (ICU), un phénomène lié à la minéralité de nos villes", explique-t-il.
"Dix degrés d’écart entre la ville et l’extérieur"
Derrière cet acronyme ICU se cache le calvaire des habitants des zones urbaines en période de fortes chaleurs. "L’îlot de chaleur urbain est lié à l’imperméabilisation des surfaces, au fait qu’on a mis des matériaux comme la brique, la pierre, le bitume ou le béton", explique Valéry Masson, chercheur au Centre national de recherches météorologiques (CNRM) et spécialiste du climat urbain. "Ces matériaux, pendant la journée, en cas de canicule, ils vont chauffer. Et pendant la nuit, toute cette chaleur va être rendue à l’atmosphère et empêcher l’air de se refroidir. Quelques heures après le coucher du soleil, on peut avoir sur une ville comme Paris 10° d’écart avec l’extérieur. Dans des villes moyennes, on peut avoir 5/6°. Les gens qui ont eu chaud dans la journée ont toujours chaud pendant la nuit, les corps n’arrivent pas vraiment à récupérer".
Pour atténuer les effets de la chaleur en ville, les méthodes sont connues. On l’a dit, il y a d’abord la stratégie qui vise à ramener l’eau en ville.
"A Marseille, dans le quartier Euroméditerranée, il y avait un ruisseau couvert par une voie ferrée, qui va être rouvert avec un parc autour. C’est le ruisseau des Aygalades. Ce sont des actions de remise à jour de petits ruisseaux qui étaient enterrés", raconte Valéry Masson.
On peut aussi tout bêtement arroser les trottoirs, les jardins et les rues. Au Japon, on appelle ça l’uchimizu, et la pratique relève presque du rituel. "Ce n’est pas encore mis en place de manière opérationnelle dans nos villes. D’autant que la question, c’est d’où vient l’eau: si possible, il ne faut évidemment pas utiliser de l’eau potable", reprend le chercheur du CNRM.
"Créer des îlots de fraîcheur à l’intérieur des villes"
L’autre piste mène au développement de la végétalisation, dans des villes beaucoup trop minérales pour résister aux canicules. "Avec des trames vertes, on peut créer des îlots de fraîcheur à l’intérieur des villes. Elles ne vont pas rafraîchir très loin, en général c’est une centaine de mètres, rarement plus, sauf pour les très grands parcs. Mais si on végétalisait la moitié des trottoirs et des places de parking, sans toucher aux bâtiments et aux routes, on estime qu’on pourrait avoir une baisse de température de deux degrés", poursuit Valéry Masson.
Sauf que de tels aménagements ne sont pas toujours possibles. "Il y a des limites de foncier pour faire des espaces verts et végétaux. A ce moment-là on prend le relais avec des murs végétalisés, des toits-terrasses… Un toit végétal va avoir des qualités pour le confort thermique du bâtiment qui est en dessous, mais sera moins efficace pour la lutte contre les ICU", fait remarquer Erwan Cordeau.
Le dernier axe de recherche nous emmène vers un terme assez méconnu: l’albédo. "C’est le réfléchissement de l’énergie solaire. Plus la surface est réfléchissante, plus elle est claire, plus l’énergie va être restituée directement à l’atmosphère et ne sera pas emmagasinée dans les matériaux", explique Erwan Cordeau. La mesure de l’albédo est comprise entre 0 et 1: plus une matière se rapproche de 1, moins elle rendra de chaleur, et inversement. Selon Le Monde, l’albédo des villes européennes se situe entre 0,15 et 0,30. Passer à des chiffres compris entre 0,20 et 0,45 permettrait de faire descendre les thermomètres de 4° en période de chaleur.
Trouver des matériaux qui stockent moins de chaleur
Aux Etats-Unis, on a déjà commencé à peindre les toits et même les routes en blanc. "C’est ce qu’on appelle les 'cool-roof'", reprend Valéry Masson. "On essaie de faire en sorte que les matériaux stockent moins de chaleur. C’est typiquement ce qui s’est fait dans les villages autour de la Méditerranée avec des maisons et des toits peints en blanc. Il existe aussi des matériaux technologiques, qui évidemment coûtent plus cher, mais qui permettent d’avoir des toits de couleurs reflétant quasiment comme du blanc ou des couleurs très claires". Alors que Los Angeles expérimente de peindre en blanc certaines routes depuis un an, la ville de Paris teste quant à elle un revêtement sur certains tronçons de la ville censé produire moins de bruit et de chaleur. C’est le projet C-Low-N, pour "Cool and low Noise", qui doit durer cinq ans.
Rafraîchir la ville prendra donc du temps. "On est capable d’atténuer certaines chaleurs grâce aux solutions de l’aménagement. Maintenant, réparer la ville telle qu’elle est construite, c’est délicat", prévient Erwan Cordeau. En attendant, on peut déjà tenter de ne pas faire empirer les choses, comme sur l’usage de la climatisation. "En France, à part pour les bureaux et commerces, on n’est pas encore tellement climatisé dans le résidentiel. L’idée c’est donc plutôt d'éviter d’y avoir trop recours dans le futur, parce que quand on climatise, la chaleur qu’on prend dedans, on la rejette dehors", prévient Valéry Masson.
Comment les villes tentent de se transformer pour affronter les canicules
Publié le 21/06/2018
Pour faire face aux pics de chaleur, les métropoles commencent à mettre en place des dispositifs destinés à ramener un peu de fraîcheur en ville.
Vous habitez en ville et vous avez de plus en plus de mal à supporter les vagues de chaleur? Accrochez-vous, ce n’est que le début. Récemment, une étude de Météo France a révélé que les températures à Paris allaient grimper de 4° l’hiver et de 5° l’été d’ici à la fin du siècle. Pour tenter d’atténuer le choc, les climatologues et les urbanistes travaillent sur des méthodes susceptibles de rafraîchir l’atmosphère urbaine. Nos agglomérations minérales, très imperméables à l’eau et peu dotées en espaces verts, ne se sont pas construites sur un plan destiné à résister aux périodes de canicule.
Ce modèle de développement date "de la grande période de l’hygiénisme" fait remarquer Erwan Cordeau, chargé d’études climat, air et énergie à l’Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU) d’Île-de-France.
"On avait des problèmes de miasmes, d’insalubrité. Donc on a chassé l’eau de la ville en construisant des égouts. On a enfoui certaines rivières urbaines, comme la Bièvre à Paris. Aujourd’hui il y a un rééquilibrage à faire, parce qu’il y a encore des zones sans espaces verts, et où l’eau a vraiment disparu de la ville". Pas question de se rassurer en se disant qu’on a le temps de voir venir: "On a déjà un mal à traiter l’îlot de chaleur urbain (ICU), un phénomène lié à la minéralité de nos villes", explique-t-il.
"Dix degrés d’écart entre la ville et l’extérieur"
Derrière cet acronyme ICU se cache le calvaire des habitants des zones urbaines en période de fortes chaleurs. "L’îlot de chaleur urbain est lié à l’imperméabilisation des surfaces, au fait qu’on a mis des matériaux comme la brique, la pierre, le bitume ou le béton", explique Valéry Masson, chercheur au Centre national de recherches météorologiques (CNRM) et spécialiste du climat urbain. "Ces matériaux, pendant la journée, en cas de canicule, ils vont chauffer. Et pendant la nuit, toute cette chaleur va être rendue à l’atmosphère et empêcher l’air de se refroidir. Quelques heures après le coucher du soleil, on peut avoir sur une ville comme Paris 10° d’écart avec l’extérieur. Dans des villes moyennes, on peut avoir 5/6°. Les gens qui ont eu chaud dans la journée ont toujours chaud pendant la nuit, les corps n’arrivent pas vraiment à récupérer".
Pour atténuer les effets de la chaleur en ville, les méthodes sont connues. On l’a dit, il y a d’abord la stratégie qui vise à ramener l’eau en ville.
"A Marseille, dans le quartier Euroméditerranée, il y avait un ruisseau couvert par une voie ferrée, qui va être rouvert avec un parc autour. C’est le ruisseau des Aygalades. Ce sont des actions de remise à jour de petits ruisseaux qui étaient enterrés", raconte Valéry Masson.
On peut aussi tout bêtement arroser les trottoirs, les jardins et les rues. Au Japon, on appelle ça l’uchimizu, et la pratique relève presque du rituel. "Ce n’est pas encore mis en place de manière opérationnelle dans nos villes. D’autant que la question, c’est d’où vient l’eau: si possible, il ne faut évidemment pas utiliser de l’eau potable", reprend le chercheur du CNRM.
"Créer des îlots de fraîcheur à l’intérieur des villes"
L’autre piste mène au développement de la végétalisation, dans des villes beaucoup trop minérales pour résister aux canicules. "Avec des trames vertes, on peut créer des îlots de fraîcheur à l’intérieur des villes. Elles ne vont pas rafraîchir très loin, en général c’est une centaine de mètres, rarement plus, sauf pour les très grands parcs. Mais si on végétalisait la moitié des trottoirs et des places de parking, sans toucher aux bâtiments et aux routes, on estime qu’on pourrait avoir une baisse de température de deux degrés", poursuit Valéry Masson.
Sauf que de tels aménagements ne sont pas toujours possibles. "Il y a des limites de foncier pour faire des espaces verts et végétaux. A ce moment-là on prend le relais avec des murs végétalisés, des toits-terrasses… Un toit végétal va avoir des qualités pour le confort thermique du bâtiment qui est en dessous, mais sera moins efficace pour la lutte contre les ICU", fait remarquer Erwan Cordeau.
Le dernier axe de recherche nous emmène vers un terme assez méconnu: l’albédo. "C’est le réfléchissement de l’énergie solaire. Plus la surface est réfléchissante, plus elle est claire, plus l’énergie va être restituée directement à l’atmosphère et ne sera pas emmagasinée dans les matériaux", explique Erwan Cordeau. La mesure de l’albédo est comprise entre 0 et 1: plus une matière se rapproche de 1, moins elle rendra de chaleur, et inversement. Selon Le Monde, l’albédo des villes européennes se situe entre 0,15 et 0,30. Passer à des chiffres compris entre 0,20 et 0,45 permettrait de faire descendre les thermomètres de 4° en période de chaleur.
Trouver des matériaux qui stockent moins de chaleur
Aux Etats-Unis, on a déjà commencé à peindre les toits et même les routes en blanc. "C’est ce qu’on appelle les 'cool-roof'", reprend Valéry Masson. "On essaie de faire en sorte que les matériaux stockent moins de chaleur. C’est typiquement ce qui s’est fait dans les villages autour de la Méditerranée avec des maisons et des toits peints en blanc. Il existe aussi des matériaux technologiques, qui évidemment coûtent plus cher, mais qui permettent d’avoir des toits de couleurs reflétant quasiment comme du blanc ou des couleurs très claires". Alors que Los Angeles expérimente de peindre en blanc certaines routes depuis un an, la ville de Paris teste quant à elle un revêtement sur certains tronçons de la ville censé produire moins de bruit et de chaleur. C’est le projet C-Low-N, pour "Cool and low Noise", qui doit durer cinq ans.
Rafraîchir la ville prendra donc du temps. "On est capable d’atténuer certaines chaleurs grâce aux solutions de l’aménagement. Maintenant, réparer la ville telle qu’elle est construite, c’est délicat", prévient Erwan Cordeau. En attendant, on peut déjà tenter de ne pas faire empirer les choses, comme sur l’usage de la climatisation. "En France, à part pour les bureaux et commerces, on n’est pas encore tellement climatisé dans le résidentiel. L’idée c’est donc plutôt d'éviter d’y avoir trop recours dans le futur, parce que quand on climatise, la chaleur qu’on prend dedans, on la rejette dehors", prévient Valéry Masson.
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