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Fabien B.
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Penser les terrains de jeux pour enfant en ville (et à Meaux) Empty Penser les terrains de jeux pour enfant en ville (et à Meaux)

Mar 19 Juil 2016, 16:45
Je reprends ici un très bon article, que j'ai trouvé fort intéressant et riche en liens et références, sur la question des terrains de jeux pour enfant et la place de ceux-ci en ville. 

__________


source : Pop Up Urbain

Terrain vague à l’âme sur le macadam

L’enfant n’a-t-il jamais été aussi peu libre en ville qu’aujourd’hui ? C’est l’amer constat, à contre-courant d’une idée reçue qui voudrait que les enfants “fassent la loi” comme à nulle autre époque, que formulent de plus en plus de voix. Deux exemples récents, et a priori relativement éloignés : un article de Guillemette Faure il y a quelques semaines sur le site du Monde et… le dernier épisode des Simpsons.

En introduction de son papier titré “Et si on lâchait la bride à nos enfants”, la journaliste écrit :

« C’est un étrange phénomène qui se répand dans certains squares. Les bancs, initialement prévus pour que les parents discutent en retrait, se vident. Les adultes restent collés au toboggan ou à l’échelle de corde. « Tu veux que je te tienne ? » « Fais attention ! » Pas question de risquer une chute, malgré le rembourrage des sols. A la tombée du jour, le square ferme, et les enfants qui jouent encore seuls dans les rues ne sont pas « autonomes » mais « livrés à eux-mêmes », sous-entendu à moitié abandonnés. Dans beaucoup de villes, si vous croisez un enfant à vélo, soyez assuré que les parents pédalent juste à côté. Le marmot qui achète seul une baguette de pain à la boulangerie tient presque de l’image d’Epinal. »

Tout est dit dans ces quelques lignes. Les enfants sont à la fois confinés dans des espaces dédiés (le square, l’aire de jeu) et jamais seuls (les parents ne sont jamais loin). Sinon, ce sont des enfants “livrés à eux-mêmes”, victimes de “mauvais parents” qui n’assument pas leurs responsabilités.

Dans l’épisode 22 de la saison 27 des Simpsons, intitulé “Orange is the new yellow”, Marge Simpson est conduite en prison parce qu’elle est justement cette “mauvaise mère” qui a laissé son fils Bart aller jouer seul au parc. C’est une mère bien intentionnée qui a prévenu la police après avoir demandé au garçon où étaient ses parents dans le square. L’épisode force encore un peu plus le trait dans une séquence où Homer conduit les enfants du quartier au parc… en laisse, pour satisfaire les désirs des autres parents (et ne pas risquer d’être à son tour mis en taule).


Penser les terrains de jeux pour enfant en ville (et à Meaux) LaissesGif

Laisse pas traîner ton fils si tu ne veux pas qu’il glisse

Ces deux exemples illustrent bien le malaise contemporain autour de la place de l’enfant en ville. Un malaise qui se cristallise particulièrement dans les aires de jeu, non-lieux sécurisés et interchangeables, aux activités assignées (“tu glisseras dans le toboggan”, “tu escaladeras le mur d’escalade”), qui ne favorisent ni exploration ni émancipation. Aussi, pour libérer nos bambins des villes, il faut réfléchir à des lieux alternatifs pour les laisser s’épanouir.



Terrains dangereux, terrains aventureux

Comme souvent, la réponse est inscrite dans notre culture populaire : c’est le terrain vague. Ces espaces vides et indéterminés (selon la double acception de “vague”), trous de mites dans le tissu urbain, ont leur mythologie propre. Dans un brillant essai, le professeur Wolfram Nitsch, de l’université de Cologne, rappelle l’importance du terrain vague comme topos du cinéma et du roman moderne français (1). Pour l’universitaire allemand, c’est à son “statut indéfini de vacuité provisoire et de friche abandonnée que le terrain vague doit son pouvoir durable de fascination esthétique ainsi que son potentiel poétique”. Un potentiel exploité par nombre de littérateurs et de cinéastes.

Penser les terrains de jeux pour enfant en ville (et à Meaux) MonOncleVague
Le terrain vague de “Mon Oncle”, de Jacques Tati (1958)

De son étude, Wolfram Nitsch ressort une double caractéristique propre au terrain vague. C’est à la fois un lieu d’exploration, un “paysage pour vagabonds et arpenteurs”, le lieu idéal de l’aventure pour les enfants, une île au trésor en pleine ville. Mais c’est aussi un endroit dangereux, la “zone interdite”, le “théâtre sinistre” du crime des adultes. Ce visage dual est explicité au début de “Terrain Vague” de Marcel Carné (1960). Le terrain vague qui donne son titre au film, c’est le lieu où des jeunes d’un quartier HLM fraîchement sorti de terre (et donc, encore entouré de friches urbaines) ont l’habitude de se retrouver. Mais, comme le lance un des jeunes au début du film : “y’a pas longtemps, on a trouvé un type assassiné dans le coin”.

Penser les terrains de jeux pour enfant en ville (et à Meaux) SautGif
Pire qu’une épreuve de Koh-Lanta

Si le film n’est pas inoubliable d’un point de vue cinématographique, il concentre une foule de marqueurs propres à l’imaginaire du terrain vague. C’est d’abord un lieu en marge du reste de la ville ordonnée, une terre sauvage à défricher, à découvrir et à s’approprier. Ainsi, la bande de jeunes que l’on suit a établi son repaire (comme on parlerait d’un repaire de pirates) dans une bâtisse abandonnée, re-décorée au gré des trouvailles des uns et des autres2. Dans ce lieu qui échappe au contrôle urbain, la bande de jeunes peut mettre en place ses propres codes sociaux (autour de la figure d’une cheffe charismatique). Avec, évidemment, un rite de passage pour pouvoir appartenir au groupe : il s’agit de sauter dans le vide, les yeux bandés, et de se réceptionner correctement.


Quick, Flupke et le Petit Nicolas font Nuit debout

Pour dire les choses simplement : le terrain vague, c’est l’endroit de tous les possibles, en opposition aux squares où – comme dans le reste de la ville – tout est fléché, normé. Et qui mieux que le Petit Nicolas pourrait résumer cela, ici au début de la nouvelle “Le Bassin” :

“Nous on aime mieux aller jouer dans le terrain vague que dans le square du quartier ; dans le square, c’est défendu de marcher sur l’herbe, et dans le terrain vague il n’y a pas d’herbe, mais s’il y en avait, ce ne serait pas défendu de marcher dessus.”


Ses cousins belges Quick et Flupke ne le démentiraient pas. S’ils passent le plus clair de leur temps dans la rue, ce sont aussi de grands habitués du terrain vague de leur quartier (3). Là encore, parce que tout y est possible… Voyez plutôt :

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Construire/détruire, la tente comme habitat-type de la ville modulaire

Penser les terrains de jeux pour enfant en ville (et à Meaux) QuickFlupke2-1024x885
Le terrain vague offre les meilleures cachettes de la ville potache

Penser les terrains de jeux pour enfant en ville (et à Meaux) QuickFlupke3

Le terrain vague, ce city-stade sans cages, sans filets, sans même une ligne blanche

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Penser les terrains de jeux pour enfant en ville (et à Meaux) QuickFlupke5-1024x970
A las barricadas, a las barricadas !

Ce dernier exemple est particulièrement intéressant. Dans une ville qui, on l’a dit, laisse de moins en moins de place aux enfants, Quick et Flupke font la révolution. En déplaçant les palissades de leur terrain vague au milieu d’une rue qui leur est habituellement hostile (ainsi que le suggère l’importante circulation automobile qui est figurée), les bambins recréent un espace ludique autonome. Dans un billet précédent, j’avais eu l’occasion de souligner le rôle de la barricade dans la ré-appropriation de la ville, m’appuyant sur les thèses de plusieurs historiens de la Commune de Paris. Plus proche de nous, l’acte de Quick et Flupke peut aussi faire penser au mouvement Nuit debout. Une tribune du géographe Luc Gwiazdzinski, parue récemment dans Libération, entre en parfaite résonance avec ces cases d’Hergé. Extraits :

« Face à la colonisation par le marché ou au couvre-feu, il existe donc d’autres nuits et d’autres futurs possibles, des moments et des lieux précieux où l’on peut refaire le monde.
[…] Les installations de Nuit debout sont du côté du souple, du mobile et du temporaire, face aux aménagements plus pérennes de la ville contemporaine. L’esthétique du recyclage et des palettes s’oppose à celle du béton et des paillettes. Les occupants détournent et rusent. Une ville métaphorique émerge face à la ville dominante.
[…] Par leur capacité à expérimenter, ces fragiles appropriations sont des utopies en actes. En fabriquant des communautés d’expériences, des temps communs et des spatialités temporaires, elles contribuent à changer le monde hic et nunc.»


Que sont les terrains vagues devenus ?

Bref, on le voit bien, dans la pop-culture, le terrain vague est le lieu d’épanouissement idéal de l’enfance en ville. Mais il ne vous aura pas échappé qu’on ne parle pas de n’importe quelle pop-culture : les références citées jusque là s’étalent de années 1930 aux années 1960. Pourquoi ? Parce que les terrains vagues étaient beaucoup plus présents dans les paysages urbains européens à cette époque. A la fois parce que l’urbanité était alors moins dense, mais aussi parce qu’ils sont souvent un héritage de la guerre. A cet égard, citons encore deux œuvres bien connues. D’abord Allemagne Année Zéro, le chef-d’oeuvre de Roberto Rosselini (1948), dans lequel la ville, immense champs de ruine, sert de terrain d’exploration (tragique) à l’enfant héros du film.

Plus joyeux, il y a cette célèbre photo de Doisneau, “La voiture fondue”, prise en 1944. Elle synthétise à elle seule le lien entre la guerre, les terrains vagues et l’amusement que l’on peut retirer de ces-derniers (et pas de la guerre, hein).

Penser les terrains de jeux pour enfant en ville (et à Meaux) VOiture-fondue
Tut tut les rageux

A mesure que la reconstruction d’après-guerre a progressé, les terrains vagues ont peu à peu disparu de nos villes. Laissant les enfants orphelins de lieux d’aventure et de jeu. Alors que faire? Rassurez-vous, on ne préconisera pas, ici, de déclencher de nouvelles guerres pour recréer des terrains vagues. En revanche, ne doit-on pas plus s’inspirer des caractéristiques du terrain vague pour concevoir des aires de jeu ?


Des aires aux airs de terrains déserts

A vrai dire, l’idée n’est pas nouvelle même si elle n’est pas forcément formulée en ces termes. Elle rejoint en fait les “junk playgrounds”, ces parcs d’aventure destroy qui ont émergé (tiens, comme par hasard) pendant la Seconde guerre mondiale. Le pionnier du mouvement, c’est l’architecte Carl Theodor Sorensen, qui ouvrit en 1943 une aire de jeu révolutionnaire à Emdrup (Danemark). Les enfants s’y amusaient avec des briques, creusaient dans la boue et montaient eux-mêmes leurs palissades (comme Quick et Flupke, quoi). Quelques années plus tard, Lady Allen of Hurtwood développa les “junk playgrounds” dans la Grande-Bretagne de l’immédiat après-guerre. Le principe est le même : on rigole plus avec des vieux pneus et des cabanes à l’arrache qu’avec un toboggan tout propre.

Penser les terrains de jeux pour enfant en ville (et à Meaux) Hurtwood
Exemple d’une aire de Lady Allen of Hurtwood

Au Pays-Bas, le mouvement fut porté par l’architecte Aldo Van Eyck, qui construisit pas moins de 700 aires autour d’Amsterdam suivant ces préceptes. Son mot d’ordre ? “Une ville qui n’a pas d’espace pour les enfants est une chose diabolique”. En Suisse, c’est le mouvement des “places de jeu Robinson”, dont les deux premières ont ouvert en 1954, qui incarne la tendance. Comme leur nom l’indique, ces aires de jeu insistent elles aussi sur l’aventure et la débrouillardise plus que sur l’hygiène ou la sécurité : on peut y bricoler, y cuisiner dans “un endroit où l’enfant est créateur, producteur et acteur de ses jeux” comme l’explique le site du “Robi” de Bienne.

Derrière les “places de jeu Robinson”, on retrouve la fondation Pro-Juventute, qui oeuvre depuis plus d’un siècle pour le bien-être des petits helvètes. Et l’association a bien compris qu’à ce titre, l’espace laissé aux enfants pour jouer en ville était essentiel. Pro-Juventute vient d’ailleurs de lancer une campagne sur le sujet, faisant le constat que “l’espace public est aujourd’hui fréquemment interdit aux enfants. Les aires de jeux et les cours de récréation sont fermées, les enfants n’ont pas le droit de jouer seuls dehors et leurs besoins ne sont pas pris en considération dans les plans d’urbanisme communaux”. Dans le cadre de cette campagne, la fondation a même lancé une appli smartphone ludique invitant les enfants à noter les espaces où ils aiment le plus jouer dans la ville. Il n’y a pas d’âge pour le crowdsourcing urbain !


Et en France alors ? On est globalement à la traîne, mais des aires de jeux innovantes commencent à voir le jour, comme le note cet article du Monde. Les exemples les plus connus sont les playgrounds imaginés par le cabinet d’architectes Base, à l’instar de celui ouvert en 2008 dans le parc de Belleville à Paris. Mais on est encore loin d’aires de jeux aussi permissives, débrouillardes et destroy que “The Land”. Installé à Wrexham, dans le nord du Pays de Galles, l’endroit propose aux enfants de fabriquer leurs propres divertissements. Et même de jouer littéralement avec le feu.


Penser les terrains de jeux pour enfant en ville (et à Meaux) SevinesParc-1024x576
Cher pays de mon enfance

En guise de conclusion, permettez moi de vous présenter l’aire de jeu dont je garde mon meilleur souvenir d’enfant. Elle n’a pas de tourniquet, de mur d’escalade, de toboggan et, évidemment, pas de sol synthétique sensé prévenir les chutes. Nichée au coeur du parc des Sévines, à Gennevilliers (la plus belle ville du monde), elle ressemble plutôt à un temple aztèque abandonné ou… à une ruine de terrain vague. Je ne suis pas convaincu qu’elle soit aux normes. N’empêche, c’est derrière ses moellons gris ou dans son petit tunnel de béton que j’ai fait les meilleures parties de cache-cache de ma vie !


__________

(1) En compagnie de deux autres chercheurs, il y a même dédié un site génial : www.terrainvague.de [↩]
(2) Comme pour la cabane de “La Guerre des Boutons”, d’Yves Robert (1962)   [↩]
(3) Tout comme le jeune Spirou de l’indispensable “Journal d’un ingénu” d’Emile Bravo [↩]
benjamin
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Jeu 18 Aoû 2016, 13:47
La surprotection des enfants, au XXIe siècle, est une réalité et cela même si on laisse de côté le climat actuel (terrorisme) qui incite à plus de vigilance.
Je me souviens qu'il y a un peu plus de 50 ans, j'avais à Paris puis aux Pavillons sous bois infiniment plus de liberté (bien que je me sois cassé deux fois le bras et que j'ai été suturé un nb incalculable de fois également. Et mes parents faisaient comme les autres, ce n'était pas des déglingués.
La faute aux médias qui surestiment les dangers des gosses. Oui il peuvent avoir un accident, oui des pervers peuvent les embarquer mais quelle en est la probabilité? .
Et c'est justement quand on est confronté à une situation qui pose problème (en écartant bien entendu les pires) qu'on apprend à la gérer. Je n'ai pas croisé de Fourniret, mais j'ai été sollicité par des pervers et je savais gérer. De ce fait un Fourniret n'aurait sans doute pas insisté avec moi...
Les enfants ne sont pas seuls concernés. Quels ados font encore du stop? C'était encore du domaine courant il y a trente ans (le nb de jeunots que je dépannais ainsi...)
benjamin
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Dim 21 Aoû 2016, 15:35
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